L’intrigue se passe en 1920 après la Première Guerre mondiale. Il traite du regard des autres à travers le parcours miné et la renaissance éprouvante d’une « gueule cassée de la guerre 14-18 ».
Adam est revenu des tranchées atrocement défiguré. Il est psychologiquement ravagé, dans l’incapacité d’affronter le regard des autres et surtout celui de Suzanne, sa flamboyante fiancée. Même si tout paraît irréversible, le temps, l’art, l’amitié et l’amour vont semer des graines d’espoir sur le chemin chaotique et désespéré d’Adam.
Extrait
« Adam, assoupi dans sa chambre au premier étage de la grande bâtisse, s’était réveillé en sursaut. Le souffle de l’orage l’avait surpris en plein cauchemar : les tranchées, la vase, les corps déchiquetés, la pestilence, les rats, les gémissements et l’eau qui montait dans le boyau, le submergeant. Il se leva péniblement, toussa, cracha la vase de son songe. Livide et tremblant, il s’avança vers la fenêtre et vit les amants assoupis sur le banc. Dans son cerveau engourdi, il se souvenait…
De la forge, où paisiblement il œuvrait, il les avait vus arriver, enlacés et tanguant. Alors, il s’était caché subrepticement derrière « Bucéphale », son cheval de fer à côté du foyer, derrière l’établi. Puis il s’était glissé dans l’obscurité jusqu’à la maison en longeant le mur d’enceinte et avait regagné promptement sa chambre au premier étage.
Là, il les avait épiés un moment, sa tête lui laissant un peu de repos.
Derrière la rambarde en fer forgé joliment ouvragée de la fenêtre, il avait pu les observer, surtout elle. Il ne voyait qu’elle, si belle, si ardente, si vivante… Un désir longtemps refoulé dardait, brûlant, émergeant du fond de ses entrailles. Il buvait ses gestes, riait à son délire, admirant son corps délié et sensuel, et ses jambes diaphanes, oubliant presque qu’il n’était qu’un « Monstre ». «