Extrait
Lettre du front, à Soupir dans l’Aisne.
D’Adam Da Costa, tranchée du Dernier Soupir à sa fiancée Suzanne Combos à Port-Vendres.
Le 16 Avril 1917
Ma bien-aimée,
Mon cœur et mon esprit s’envolent sans cesse vers toi, ma Suzanne. Ta lettre et ton colis sont arrivés hier, comment te décrire la joie qui m’a envahi ? Après tous ces jours sans nouvelles de notre belle Catalogne, je dépérissais et ne pouvais m’empêcher de penser à tous ces planqués que je ne nommerais pas et qui te côtoient chaque jour que Dieu fait…
Enfin, tes paroles tendres m’ont réconforté et le soleil de Port-Vendres brille à nouveau dans tout mon être. Si tu savais comme il est facile, ici, de tomber dans le désespoir le plus profond, il suffit de si peu ! Ton silence, par exemple !!!
La neige est tombée à gros flocons toute la nuit, et ce matin, la guerre semblait s’être évanouie, dissimulée sous un épais manteau blanc immaculé scintillant sous un ciel bleu sans nuages. Les fils de fer barbelés sur le no man’s land, ornés d’étoiles de givre, ressemblaient à des guirlandes de Noël, une vision fugitive de paradis dans cet enfer impitoyable. Un silence ouaté et tranquille enveloppait notre tranchée, même les odeurs s’étaient atténuées. Mathieu, heureux comme un enfant, nous a confectionné un bonhomme de neige qu’il a coiffé d’un casque pris aux Boches ! Toujours à faire le pitre, celui-là…
Je suis assis sur la banquette, le visage offert aux timides rayons du soleil d’avril, et je déguste, en fermant les yeux, les biscotins croquants, ta merveilleuse confiture d’abricot aux amandes amères et notre bon vin de Banyuls. Hum… comme c’est bon… comme je voudrais faire ce festin près de toi dans notre jolie petite crique de Paulilles.
Les bombardements ont cessé depuis plusieurs jours, je ne sais pas ce qu’ils nous préparent… Mais cela ne sent pas très bon.
Peu importe, après tout, pour le moment je savoure mon bonheur et je veux croire en ma bonne étoile. Je suis constamment à tes côtés, ma chérie.
Peux-tu dire à mes parents que je les aime, ainsi qu’à Nane ? Je leur écrirai demain car le sergent nous appelle.
Je te serre très fort contre mon cœur et te couvre de baisers.
Ton Adam